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Le projet de canal Mer Rouge – Mer Morte : un enjeu stratégique régional

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Le Jordan Red Sea Project (JRSP) est un projet stratégique et une question de sécurité nationale pour le royaume Hachémite de Jordanie, l’un des pays les plus arides au monde avec un territoire composé à 90% de désert. Sa dotation en eau est parmi les plus faibles de la planète, avec une part estimée à 123 m3 par an et par habitant. Le projet vise ainsi à enrayer la baisse du niveau de la mer Morte, un écosystème de première importance pour l’agriculture jordanienne. Mais cela n’est pas sans poser de nombreux problèmes, notamment avec Israël, la Palestine, les industries de la potasse (situé au sud de la mer Morte), les agriculteurs jordaniens, les industries touristiques et les environnementalistes qui voient d’un mauvais œil un tel projet.

La mer Morte, un enjeu géopolitique fort entre Israël et la Jordanie

La mer Morte se caractérise par un taux de sel de 275g/litre.

L’assèchement de la mer Morte recouvre plusieurs causes. Dans les années 1970, le royaume jordanien inaugure une politique de grand travaux hydrauliques afin de subvenir au besoins de sa population, en fort accroissement sous la pression des nombreux réfugiés palestiniens arrivés en 1948 et 1968. Elle mène alors une «politique de l’offre» concernant l’adduction en eau. Cela entraîne le développement d’une agriculture extensive sous serre, fortement consommatrice en eau et dopée par des tarifs relativement bas.

Après la victoire israélienne à l’issue de la guerre des six jours, l’État hébreux lance de grands travaux de diversion des nappes phréatiques en Cisjordanie. Il détourne les eaux du lac de Tibériade via un aqueduc : le Nation Water Carrier. En 1994 l’accord de paix israélo-jordanien initie une relation de «vassalité» entre Israël, château d’eau de la région, et la Jordanie. Par ailleurs, le développement d’industries minières d’extraction de potassium – utilisé dans la fabrication d’engrais et de cosmétiques – de part et d’autre de la mer Morte, entraîne la construction de nombreux bassins d’évaporations de potasse. Cette situation contribue à l’assèchement de la mer Morte, d’où sont extraits 600,000 tonnes de sel annuellement.

Aujourd’hui, alors que l’agriculture jordanienne exporte certains produits, la situation est encore problématique : l’agriculture représente 7 % du PIB, mais ponctionne peu ou prou 70 % des réserves en eau du pays. Cette politique agricole a donc pour effet mécanique d’accroître les pompages dans les fleuves alimentant la mer Morte, le Jourdain et le Yarmouk, ce qui entraîne une baisse constante du niveau de la mer. En outre, le stress hydrique auquel est soumise la Jordanie a encore augmenté ces dernières années avec l’arrivée de près d’1,4 millions de réfugiés syriens depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011. Ainsi, la demande en eau a cru de 21 % dans le royaume et de 40 % dans les gouvernorats du nord, où sont établis la plupart des réfugiés. Actuellement, le phénomène d’assèchement de la mer Morte lui fait perdre près d’un mètre par an.

Un projet hydraulique de coopération régionale ambitieux 

La première pierre du JRSP, d’un coût total évalué à un milliard de dollars, a été posée en 2013 entre Israéliens, Jordaniens et Palestiniens. Ce projet se caractérise par la construction, dans la ville côtière d’Aqaba, d’une station de pompage ainsi que d’une station de dessalement, tandis que 210 km de conduits entre Aqaba et la mer Morte seront également creusés. L’objectif est d’alimenter, outre la vallée du Jourdain, la capitale Amman et les grandes villes soumises à des rationnements, qui sont autant de sources de tension et de préoccupations pour la population. Des programmes de luttes contre les gaspillages ont d’ailleurs été mis en place par les autorités.

Le JRSP vise à terme quatre objectifs : sauver la mer Morte et son écosystème, désaliniser l’eau par le principe d’osmose inverse, générer de l’énergie à un coût abordable et enfin promouvoir un symbole de paix et de coopération au Proche-Orient. Ce projet, s’il est mené à bien, peut donc renforcer et équilibrer le traité de paix de 1994 dans lequel la Jordanie est en situation de vassalité hydrique face à Israël. Le JRSP vise donc à corriger cet état de fait et à sauver la région d’un assèchement programmé.

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